Le dernier texte de Nicolas Mathieu est un tout petit livre de moins de 80 pages … mais il ne faut pas forcément plus pour écrire la violence ordinaire !!
Quand le rose vire au noir
Rose a la cinquantaine fatiguée, plus vraiment belle mais encore séduisante, elle est secrétaire de direction et passe ses soirées au Royal avec Marie-Jeanne son ami coiffeuse. Indépendantes, divorcées et mères d’enfants autonomes, elles partagent leur ras-le-bol des hommes et noient leurs « destins de sur place qu’elles auraient voulu autrement » autour des demis et des clients de passage dans ce café de quartier. Un soir Rose rencontre Luc …
Cette nouvelle-polar qu’on ne peut pas lâcher est bien davantage que l’histoire d’une femme à mi-parcours qui a beaucoup donné et bien peu reçu en retour ne demandant qu’à croire en des lendemains meilleurs, surtout quand ceux-ci ont quelques airs d’un conte de fées …
La noirceur avec talent …
Les mots sont justes et fort, le suspense est savamment mené jusqu’à la dernière phrase qui m’a glacée … et l’habileté avec laquelle Nicolas Mathieu s’est glissé au plus profond de l’intimité de Rose en fin observateur du quotidien font de ce livre une pépite de noirceur.
La séduction, l’emprise, les violences faites au femmes … mais pas que. Après l’adolescence (Leurs enfants après eux), Nicolas Mathieu explore avec brio la cinquantaine. Alors oui c’est triste, c’est encore du roman social, mais c’est écrit avec punch et précision. Moi qui n’aime pas les nouvelles, j’ai trouvé ici le rythme et le tempo tout simplement parfait.
De ce livre, je n’attendais finalement que de me remettre de ma lecture précédente et j’ai été cueillie ! Je me demande même si je n’ai pas préféré ce dernier au Goncourt tant ce personnage de Rose m’a estomaquée. « Les choix s’étaient accomplis d’eux-mêmes, presque malgré elle. La logique du jour le jour avait fait son œuvre et chaque changement s’était réalisé avec acquiescement, fatigue ou politesse. Tout bien considéré, cette loi de l’inertie, de la pente suffisait à expliquer presque tout » … toute la page 63 me parle tellement !
Si vous aimez les héroïnes désabusées, foncez !!