Les désorientés (Amin Maalouf)

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Les désorientés sont ces amis inséparables, joyeux, intelligents … et utopiques qui ont quitté leur orient dans les années 1970. Ils sont juifs, chrétiens ou musulmans et se retrouvent 25 ans plus tard en hommage à Mourad, un des leurs qui vient de mourir. Ces retrouvailles seront l’occasion d’évoquer leurs souvenirs, de parler d’un pays (le Liban, même s’il n’est jamais nommé), de leurs différences culturelles, de leur engagement, de leur choix face à la guerre et de leur parcours, de confronter ceux qui sont partis et ceux qui sont restés.

Adam, arabe chrétien est le narrateur. Il a fui son pays pour s’installer en France et le récit alterne entre « je » (son journal intime dans lequel leurs conversations passionnées sont magnifiquement retranscrites) et le « il » de la narration. Ce procédé permet à l’auteur de ne jamais juger aucun de ses personnages et surtout de ne rien imposer au lecteur. Il y a ce que croit Adam et ce que pensent les autres … ou vice-versa …

C’est un livre qui suscite énormément de réflexions sur l’exil, la guerre, l’amour, la fidélité, les religions, l’amitié, nos racines … sans apporter de réponse mais qui impose de s’ouvrir aux autres. C’est un roman choral magnifique, intelligent, servi par une écriture fine et précise, de ceux qui ne se lisent pas forcément facilement, qui se dégustent. On ressent énormément de nostalgie de la part de l’auteur, voire une certaine souffrance devant les déchirures subies par son pays mais surtout une très grande pudeur. Un livre que je conseille à tous ceux qui ont aimé « Le quatrième mur » de Sorj Chalandon.

Voici quelques en quelques lignes extraites de deux passages qui m’ont vraiment interpelée :

« Mon meilleur ami parmi les musulmans, c’était Ramez ; mon meilleur ami parmi les juifs, c’était Naïm ; et mon meilleur ami parmi les chrétiens c’était Adam. Bien entendu, tous les chrétiens n’étaient pas comme Adam, ni tous les musulmans comme Ramez, ni tous les juifs comme Naïm. Mais moi, je voyais d’abord mes amis. Ils étaient mes œillères, ou, si tu préfères les arbres qui me cachaient la forêt »

et puis une phrase qui m’apporte beaucoup d’interrogations : « C’est l’occident qui est croyant, jusque dans sa laïcité, et c’est l’occident qui est religieux jusque dans l’athéisme. Ici, au levant, on ne préoccupe pas des croyances mais des appartenances. Nos confessions sont des tribus, notre zèle religieux est une forme de nationalisme … « 

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