Une vue exceptionnelle (Jean mattern)

une_vue_exceptionnelle

Deux Jean Mattern sinon rien …

« J’ai une vue exceptionnelle ». Voilà la première chose que David dit à Emile en ce dimanche après-midi, lors de leur rencontre à l’île aux cygnes. Emile est alors un jeune interne en médecine et David, fils de bonne famille, écrit déjà des biographies de musiciens classiques quasi inconnus. Le premier a fui sa province natale et le second débarque de Londres où il pensait fonder une famille avec Laura sa compagne et Simon, le fils de cette dernière. 25 ans plus tard, Emile et David s’aiment et vivent toujours ensemble dans cet appartement à la vue exceptionnelle sur la tour Eiffel. Emile est devenu un neurochirurgien réputé et David écrit toujours. Entre eux, tout va bien si ce n’est l’ombre de cet enfant de trois ans que David avait presque fait sien jusqu’au retour de son père géniteur et dont la photo trône dans le salon depuis plus de 20 ans …

Un roman aussi mince qu’intense, tout en grâce et en élégance (mais ce dernier point c’est la marque des éditions Sabine Wiespieser). Des chapitres courts, des pages savamment orchestrées, un texte subtil … et une vue exceptionnelle sur les sentiments, les choix de vie, les regrets.

Vertige des corps, vertiges de l’amour, vertige de la lecture avec cette succession de narrateurs qui reviennent en alternance de chapitres en chapitres. Bref, immense coup de cœur pour ce roman qui m’en embarquée dans l’univers de Jean Mattern et dont j’ai envie de tout lire.

J’ai enchainé dans la foulée avec « Le bleu du lac ». Pas de chapitres cette fois et à peine une poignée de phrases d’une longueur incroyable pour un roman à la fois puissant, fin et délicat. Viviane, célèbre pianiste classique traverse Londres en métro pour jouer un intermezzo de Brahms sensé embellir le service funéraire de James, critique musical et compositeur qui a été son amant pendant un peu plus de 20 ans. Dans le métro qui la rapproche de l’église Sainte-Cécile et de l’instant fatidique, sa petite robe noire qui la gratte et l’angoisse de ne pas arriver à cacher ses sentiments pendant la cérémonie sont deux obsessions qu’elle enfouit en révisant la partition des souvenirs avec cet homme qu’elle a tant aimé dans le plus grand secret. Ici aussi les mots glissent avec une fluidité virtuose comme les doigts sur un piano et les phrases sans fin et de plus en plus longues maintiennent le lecteur en apnée et paradoxalement dans une urgence de lecture absolue, du grand art !

On y retrouve certains personnages de « Une vue exceptionnelle » et je crois que je ne vais lâcher Jean Mattern que lorsque j’aurais reconstitué le puzzle de son œuvre !

Une vue Exceptionnelle
Jean Mattern
Editions Sabine Wiespieser
136 pages

Le bleu du Lac
Jean Mattern
Editions Point
94 pages

Les derniers articles ...