Michèle Lesbre est une auteure dont j’apprécie particulièrement l’univers délicat et poétique. Dans son dernier livre, « Chemins », elle nous entraîne sur les chemins intimes et buissonniers de la mémoire. Rencontres et balades la ramènent vers un père énigmatique qu’elle n’a connu qu’à l’âge de trois ans mais dont elle a conservé des souvenirs très enfouis … et très anciens !
Lors de la rencontre avec l’auteur, elle nous a parlé de ces premiers souvenirs qui remontent à la seconde guerre mondiale et à mon tour de me rappeler à quel point j’ai été frappée, alors qu’elle fait si jeune, qu’elle ait pu connaître cette période … mais oui. Michèle Lesbre est comme son livre, une femme charmante, totalement solaire … et qui est bien loin de faire son âge !
L’auteure s’appuie sur la lecture du livre « Scènes de la vie de bohême », livre de chevet de ce père mal connu pour nous balader alternativement entre la vie de ce dernier et ses propres errances qui seront jalonnées de rencontres singulières et de lieux d’une grande beauté. Voilà, c’est tout …
C’est un texte apaisant servi par une écriture fluide, parfaitement ciselée. Le rythme est lancinant, cette façon de ne parler de « rien » est tellement rayonnante qu’il suffit de se laisser porter et envouter par cet univers rempli de charme (un peu à la Modiano paraît-il mais je ne connais pas suffisamment l’auteur pour me permettre la comparaison).
Ce n’est pas un livre nostalgique, mélancolique à la rigueur. C’est un livre sur le temps qui passe, sur les années qui génèrent des souvenirs qui ensuite vous accompagnent toute votre vie, à savourer absolument !
Extraits :
Page 101 : « J’étais dans un temps suspendu, où le moindre pas m’engageait davantage, où chaque minute m’éloignait du présent «
Page 127 : « Peu à peu, je me retrouvais en terre familière, sans doute parce que d’anciennes images venaient se superposer à celles du présent, et qu’ainsi je marchais dans un mode palimpseste où il était agréable de se perdre, et nous nous sommes perdus. Le lycée n’était pas tout à fait là où ma mémoire le situait, et surtout il était presque entièrement détruit … je pensais que les tas de pierres et de gravats, le bâtiment encore debout et tristement poussiéreux, faisait partie de mes petites ruines intimes, de mes petites fins, de tout ce qui a été et qui n’est plus, comme dans toute vie. Il n’y avait aucune tristesse dans cette pensée, bien au contraire, c’était le sentiment d’éprouver tout le chemin parcouru depuis ces années où ces murs étaient mon univers. Leur disparition ne changeait rien. Je me sentais pleine de cette mémoire, de toutes ces longues années qui me ramenaient là. »